Rue 89 - Par Richard Moyon
Amarjargal Ganaa, Mongol de 34 ans, vient de recevoir de la préfecture d'Ille et Vilaine l'autorisation de séjour qui va lui permettre de vivre auprès de ses trois enfants de 13 ans, 2 ans et 1 mois. Tout est bien qui finit bien ?
Pas vraiment parce que si l'issue aurait pu être plus tragique encore, cette affaire n'en est pas moins emblématique des conceptions du gouvernement français et de quelques autres : des tours en jets privés offerts par le contribuable ou des amis dictateurs pour les uns, la prison, la misère et la mort pour les autres. Qu'on en juge.
Amarjargal Ganaa et sa femme Alta Ming sont arrivés aux Pays-Bas, elle en 2006, lui en 2007, leur fils Ulaaka étant confié à sa grand-mère. Déboutés de leur demande d'asile, ils se retrouvent sans-papiers.
Alta Ming dont la grossesse est à risque finit par être libérée le 20 novembre 2010, avec obligation de quitter les Pays-Bas sous 48 heures. Ses enfants et elle se réfugient, si l'on ose dire, en France, à Rennes, où vit une petite communauté mongole.
Sans ressources et sans domicile, elle dort chez les uns et les autres, bénéficiant parfois d'un hébergement d'urgence ou passant la nuit dehors avec ses enfants.
Alta meurt en accouchant prématurément le 4 janvier. Elle avait 34 ans. Son enfant peut être sauvé. Il est placé en couveuse. Ses deux aînés sont recueillis par une famille mongole amie sous le contrôle de l'ASE (aide sociale à l'enfance). Maintenu en rétention, leur père n'assiste pas aux obsèques de sa femme.
Dans cette affaire, quelles que soient les pieuses déclarations a posteriori des uns et des autres, les considérations humanitaires ont bien peu compté. Alta Ming meurt le 4 janvier, laissant trois orphelins livrés à eux-mêmes.
Ce n'est que dix jours plus tard que les autorités néerlandaises (qui de toute façon ne peuvent pas expulser Amarjargal Ganaa, le consul de Mongolie ayant refusé de le reconnaître) proposent de le libérer… à la condition expresse qu'il quitte immédiatement leur territoire pour la France.
Pendant dix-sept jours (du 13 au 31 janvier), Hortefeux fait de la résistance. Le sort des enfants semble le cadet des soucis des uns et des autres.
Un rassemblement pour exiger la libération d'Amarjargal Ganaa est prévu le 2 février devant l'ambassade des Pays-Bas à Paris. La veille, le 1er février, l'ambassade néerlandaise augmente la pression sur le gouvernement français en publiant sur la page d'accueil de son site une note signalant que « dans l'intérêt des enfants » les Pays-Bas sont disposés à libérer M. Ganaa si le gouvernement français lui permet de rejoindre ses enfants.
Hortefeux cède : il autorise l'entrée d'Amarjargal Ganaa. Au grand soulagement des diplomates néerlandais, le rassemblement est annulé.
Le voilà donc tiré d'affaire… du moins sur le plan du droit au séjour, parce que, pour le reste, les autorités néerlandaises et françaises coalisées ont tout fait pour dévaster sa vie ! Il sort de trois mois d'internement en centre de rétention, sa femme est morte d'épuisement en accouchant de leur troisième enfant après avoir, elle aussi, passé cinq mois en centre fermé suivis de six semaines d'errance à Rennes.
Il se retrouve avec ses trois enfants, dont un nouveau-né, seul, dans un pays dont il ignore tout, avec pour tout bagage une petite valise.
Au-delà de l'histoire dramatique de cette famille, comment n'être pas frappé par l'absence de scrupules des plus hauts responsables de l'Etat qui, d'un côté, n'hésitent pas à faire de la démagogie en s'emparant de faits divers tragiques mais d'un autre côté déploient un arsenal juridique et policier qui aboutit, lui aussi à des drames qu'ils occultent cyniquement.
Pas vraiment parce que si l'issue aurait pu être plus tragique encore, cette affaire n'en est pas moins emblématique des conceptions du gouvernement français et de quelques autres : des tours en jets privés offerts par le contribuable ou des amis dictateurs pour les uns, la prison, la misère et la mort pour les autres. Qu'on en juge.
Amarjargal Ganaa et sa femme Alta Ming sont arrivés aux Pays-Bas, elle en 2006, lui en 2007, leur fils Ulaaka étant confié à sa grand-mère. Déboutés de leur demande d'asile, ils se retrouvent sans-papiers.
Les parents en rétention, les enfants confiés à leur tante
En juin 2010, Alta Ming est arrêtée et placée en rétention, quelques semaines à peine après que son fils aîné (13 ans) a rejoint ses parents et son frère cadet, né en 2008 à Rotterdam. Le 28 octobre 2010, Amarjargal Ganaa est à son tour arrêté. Les deux parents en rétention, les enfants sont confiés à leur tante.Alta Ming dont la grossesse est à risque finit par être libérée le 20 novembre 2010, avec obligation de quitter les Pays-Bas sous 48 heures. Ses enfants et elle se réfugient, si l'on ose dire, en France, à Rennes, où vit une petite communauté mongole.
Sans ressources et sans domicile, elle dort chez les uns et les autres, bénéficiant parfois d'un hébergement d'urgence ou passant la nuit dehors avec ses enfants.
Alta meurt en accouchant prématurément le 4 janvier. Elle avait 34 ans. Son enfant peut être sauvé. Il est placé en couveuse. Ses deux aînés sont recueillis par une famille mongole amie sous le contrôle de l'ASE (aide sociale à l'enfance). Maintenu en rétention, leur père n'assiste pas aux obsèques de sa femme.
Bras de fer sordide entre la France et la Hollande
Une sorte de bras de fer sordide s'engage alors entre les gouvernements français et néerlandais, une vilaine partie de mistigri dont l'enjeu est de savoir qui n'accueillera pas la famille Ganaa.Dans cette affaire, quelles que soient les pieuses déclarations a posteriori des uns et des autres, les considérations humanitaires ont bien peu compté. Alta Ming meurt le 4 janvier, laissant trois orphelins livrés à eux-mêmes.
Ce n'est que dix jours plus tard que les autorités néerlandaises (qui de toute façon ne peuvent pas expulser Amarjargal Ganaa, le consul de Mongolie ayant refusé de le reconnaître) proposent de le libérer… à la condition expresse qu'il quitte immédiatement leur territoire pour la France.
Pendant dix-sept jours (du 13 au 31 janvier), Hortefeux fait de la résistance. Le sort des enfants semble le cadet des soucis des uns et des autres.
Pression des associations et des médias
En réalité, la solution est imposée par la pression des associations [parmi elles, le Réseau d'éducation sans frontières dont l'auteur de cette tribune est membre, ndlr], des médias et de l'opinion. Ouest-France, France 3, Libération, L'Humanité publient des reportages sur cette affaire effarante. Les informations tournent sur Internet. Des parlementaires européens, dont des néerlandais, écrivent à La Haye.Un rassemblement pour exiger la libération d'Amarjargal Ganaa est prévu le 2 février devant l'ambassade des Pays-Bas à Paris. La veille, le 1er février, l'ambassade néerlandaise augmente la pression sur le gouvernement français en publiant sur la page d'accueil de son site une note signalant que « dans l'intérêt des enfants » les Pays-Bas sont disposés à libérer M. Ganaa si le gouvernement français lui permet de rejoindre ses enfants.
Hortefeux cède : il autorise l'entrée d'Amarjargal Ganaa. Au grand soulagement des diplomates néerlandais, le rassemblement est annulé.
Tiré d'affaire sur le plan du droit de séjour
Le 7 février, Amarjargal Ganaa était accueilli à Roissy par ses fils Ulaaka et Amarbayasqalan et la famille qui les avait recueillis, une députée européenne, des militants RESF et des caméras de télévision. A Rennes, il était attendu par plusieurs dizaines de soutiens et la presse. Le lendemain, il était reçu en préfecture où une autorisation de séjour lui était délivrée tandis que son collectif de soutien lui trouvait presque miraculeusement un logement.Le voilà donc tiré d'affaire… du moins sur le plan du droit au séjour, parce que, pour le reste, les autorités néerlandaises et françaises coalisées ont tout fait pour dévaster sa vie ! Il sort de trois mois d'internement en centre de rétention, sa femme est morte d'épuisement en accouchant de leur troisième enfant après avoir, elle aussi, passé cinq mois en centre fermé suivis de six semaines d'errance à Rennes.
Il se retrouve avec ses trois enfants, dont un nouveau-né, seul, dans un pays dont il ignore tout, avec pour tout bagage une petite valise.
Au-delà de l'histoire dramatique de cette famille, comment n'être pas frappé par l'absence de scrupules des plus hauts responsables de l'Etat qui, d'un côté, n'hésitent pas à faire de la démagogie en s'emparant de faits divers tragiques mais d'un autre côté déploient un arsenal juridique et policier qui aboutit, lui aussi à des drames qu'ils occultent cyniquement.
superbe article
RépondreSupprimermerci