vendredi 23 mars 2012

Rennes : Parcours de migrants, récit par une militante du Dal35 et de RESF


L’obligation scolaire ne s’appliquerait-elle pas à "ces gens là" ?

Vendredi 2 mars 2012, une famille de demandeurs d’asile dépose un référé au tribunal administratif contre son non-hébergement. Cette famille est arrivée en France en avril 2011, bientôt un an. Ils ont trois enfants, 12, 8 et 4 ans. Depuis, elle dépend du 115. Parfois hébergée, parfois non. Une semaine ici, trois jours là, de fréquentes périodes sans aucune solution. Fin août, le DAL (association Droit au Logement) ouvre une nouvelle réquisition, c’est-à-dire qu’un logement vide depuis des années est ouvert pour y héberger des personnes à la rue. La famille s’y installe. Avec l’arrivée de l’hiver, la vie dans ce lieu partagé avec 3 autres familles, sans eau chaude, sans chauffage, avec de nombreuses coupures d’électricité, devient difficile et la famille reprend l’habitude d’appeler le 115, pour obtenir des hébergements plus vivables.
Au cours de l’audience de référé, la représentante de la préfecture leur reproche d’avoir parfois refusé des propositions d’hébergement du 115. Ce que la famille ne nie pas, et peut facilement expliquer.
Avec ses trois enfants scolarisés à Rennes, l’aînée au collège Echanges, les deux plus jeunes à l’école de l’Ille, comment faire pour aller passer la nuit à l’hôtel à Bain-de-Bretagne à 30 km de Rennes (45 minutes de car), et conduire les enfants à 8 h 30 à l’école ? Prendre le car à 7 h 17 pour arriver à Rennes à 8 h, et sauter dans un métro pour rejoindre l’école ? Mais avec quel argent ? Le 115 fournit un ticket de car pour aller à l’hôtel au début de la semaine, et un ticket pour revenir à Rennes le dernier jour. Tous les autres jours, le transport est à la charge des parents : 3,50 € le ticket adulte, 2,80 € le ticket enfants, soit 25,30 € par jour pour cette famille qui vit avec 21,66 € par jour. Scolariser les enfants à Bain de Bretagne ? Peut-être auraient-ils pris cette décision si on leur avait dit dès le début de l’hiver qu’ils y seraient hébergés jusqu’au 30 mars. Mais cet hébergement leur a été proposé chaque fois pour une semaine !
Alors renoncer à scolariser les enfants et rester à Bain-de-Bretagne ? Mais alors comment va-t-on les nourrir ? Les parents touchent l’ATA (Allocation Temporaire d’Attente) . Soit10,83 € par jour et par adulte. Avec une somme si faible, l’aide fournie par les Resto du Coeur deux fois par semaine est indispensable. A condition de pouvoir venir la chercher à Rennes. Et de pouvoir conserver et cuisiner les produits reçus. Impossible à l’hôtel. C’est un cercle vicieux sans fin….

La représentante de la préfecture au tribunal administratif finit par s’exclamer, devant l’assistance sidérée : "Ces gens-là choisissent de scolariser leurs enfants avant même de savoir s’ils seront admis au séjour."L’avocate évoque l’obligation scolaire. " Oui, certes, mais ce n’est pas une priorité..."
Ainsi donc, cette famille de trois enfants, dont deux soumis à l’obligation scolaire, aurait dû attendre un hébergement stable pour inscrire leurs enfants à l’école ? Mais ça va bientôt faire un an qu’ils l’attendent, cet hébergement stable ! Imaginez des enfants de 12 et 8 ans non scolarisés pendant UN AN sur le territoire français ? Quelle aurait été leur vie pendant tout ce temps ? Se déplaçant tous les trois jours, à la rue de 9 h le matin à 18 h 30 dans certains centres et hôtels, sans aucune solution certains jours ? Sans la socialisation irremplaçable de l’école, sans activités adaptées à leur âge, sans camarades de classe, sans possibilité d’apprendre la langue française ?

Tous les militants qui accompagnent les migrants savent combien cette vie est épuisante pour les adultes. Et combien l’école est importante pour ces enfants, déjà éprouvés par les drames vécus dans leur pays, par le déracinement. Combien compte pour eux cet élément de stabilité leur vie d’errance, avec l’assurance de recevoir un enseignement adapté et un repas chaud chaque jour, de vivre quelques heures une vie normale d’enfant, sans avoir à accompagner leurs parents dans toutes leurs démarches.
A Rennes nous connaissons de nombreuses familles qui vivent dans ces conditions pendant des mois. Les enseignants qui les accueillent constatent de nombreuses absences, l’épuisement et l’isolement des familles.

La Convention internationale des droits de l’enfant le dit : " L’instruction est un droit de l’enfant : tout doit être mis en oeuvre pour le garantir." Et obligation est faite à l’Etat, par les dispositions de l’article 13.5 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003, d’assurer des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile.
On voit bien comment ces droits sont mis en œuvre…

RESF 35

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